Dans un sonnet, Edgar Poe reproche à la science d'avoir chassé l'hamadryade du bois et de l'avoir tiré de ses rêveries. Il affirme ainsi que les poéte(sse)s ne peuvent aimer ou respecter la science qui ramène la réalité à une vérité insipide et dépossède les mythes de leur puissance.
Peut-on donner crédit à un tel reproche ?
J'aimerais montrer que les mathématiques sont avant tout un espace de créativité et de liberté, où l'on s'attarde sur d'éphémères rêves qui disparaissent comme nuages au vent ou éclatent comme des bulles de savon.
Et alors vient l'autre reproche, lancinant, que l'on adresse aux mathématiques : mais à quoi ça sert ?!
C'est pourquoi je propose quelques aller-retours entre ces rêveries enfantines, ces jeux de cours de récréation, et leur usage éventuel. Bulles de savon, jeux de ficelles, pierre-feuille-ciseaux me permettront d'évoquer l'impossible, l'irréalisable, et ce qui s'en rapproche le plus. Bref de faire comme Johannes Kepler offrant en guise d'étrenne quelques réflexions sur les flocons de neige à son ami Johann Matthäus Wackher von Wackhenfelds : des mots sur un Rien.
Est-ce pour autant parler pour ne rien dire ? Je ne l'espère pas et je laisse le mot de la fin à Raymond Devos.
« Une fois rien, c'est rien ; deux fois rien, ce n'est pas beaucoup, mais pour trois fois rien, on peut déjà s'acheter quelque chose, et pour pas cher. Alors maintenant si vous multipliez trois fois rien par trois fois rien, rien multiplié par rien égale rien, trois multiplié par trois égale neuf, ça fait rien de neuf. »
– François Sauvageot.